Comme le montre si bien le dernier article de Contre-Poison sur l’immigration illégale, de nombreux pays européens, dont la France et l’Italie, sont contraints de prendre des mesures contre l’immigration clandestine. D’autre part, du point de vue de pays européens comme la France, les mesures prises par le Japon pour lutter contre l’immigration illégale semblent fonctionner. Comment le Japon lutte-t-il contre l’immigration clandestine ? Les pays européens et notamment la France ont-ils quelque chose à apprendre des mesures prises par le Japon pour lutter contre l’immigration clandestine ?
Droit du sang et absence de double nationalité
Lors des élections législatives qui se sont tenues entre la fin du mois de juin et le début du mois de juillet de cette année, Monsieur Jordan Bardella, le chef du Rassemblement national, a présenté les politiques suivantes pour lutter contre l’immigration clandestine.
- Suppression du droit du sol
- Interdiction d’accès à certains postes de la fonction publique aux binationaux
De nombreux Japonais ne seraient pas surpris par ces deux politiques, car le Japon les a déjà mises en place.
Le Japon dispose uniquement du droit du sang. Le système de l’empereur en est une bonne illustration. Jusqu’à aujourd’hui, seuls les hommes peuvent accéder au trône d’empereur. Seul un membre masculin de la famille impériale de lignée masculine peut devenir empereur du Japon. Comme le montre le système de l’empereur, le Japon accorde une grande importance à la lignée.
Outre le droit du sang, le Japon, n’admet pas la double nationalité. En effet, un enfant né de parents Français et Japonais, doit choisir sa nationalité avant d’atteindre l’âge de 20 ans. En outre, seules les personnes qui n’ont que la nationalité japonaise peuvent devenir fonctionnaires au Japon. Évidemment, les ex étrangers ayant dûment rempli les conditions de naturalisation, peuvent devenir citoyens du Japon et ainsi occuper des postes dans la fonction publique en tant que Japonais.
Des conditions géographiques particulières
En plus du système de nationalité, la géographie du Japon entrave également l’entrée des immigrants illégaux.
Le Japon et la France sont toutes deux des nations maritimes, mais elles diffèrent sur un point : le Japon n’est relié à aucun autre pays par la terre. Par conséquent, il est impossible d’entrer au Japon par voie terrestre tandis que les immigrants illégaux en provenance d’Allemagne, de Belgique, d’Italie et d’Espagne dans le cadre des accords de Schengen peuvent entrer en France par voie terrestre.
Ainsi, il est quasiment impossible pour des clandestins en provenance de Chine ou de Corée du Nord d’entrer au Japon par voie maritime. Ces deux pays disposent en effet d’une sécurité frontalière très stricte et les garde-côtes japonais patrouillent en permanence dans les eaux japonaises. En outre, contrairement au détroit de Gibraltar, où la distance la plus courte entre l’Europe et l’Afrique est d’environ 14 km, la distance la plus courte entre la Corée du Nord et le Japon est d’environ 1 000 km. La mer du Japon est également très agitée, surtout en hiver, et ne peut être traversée par des navires classiques.
Par conséquent, les immigrants illégaux sont obligés d’utiliser des avions pour entrer au Japon. Mais la voie des airs ne constitue pas une filière d’immigration clandestine.
Deux barrières à l’entrée : le certificat d’éligibilité et le visa d’entrée
Le Japon, comme d’autres pays, accorde des exemptions de visa de court séjour (visa touristique) à 71 pays et régions, tels que la France, l’Italie et Taïwan. En revanche, les ressortissants de pays tels que le Viêt Nam, la Chine et les Philippines, qui comptent parmi les nombreux résidents illégaux présents au Japon, doivent obtenir un visa de court séjour avant d’entrer au Japon.
Les personnes originaires des pays qui ne peuvent pas entrer librement au Japon à des fins non touristiques (par exemple, développer une entreprise, étudier au Japon, acquérir une formation technique) doivent obtenir un certificat d’éligibilité. Pour obtenir ce document, il faut soumettre une demande à l’Office de l’immigration au Japon compétent pour le lieu de résidence prévu du demandeur ou pour l’adresse de l’entreprise destinataire. Le certificat d’éligibilité est ensuite envoyé au demandeur résidant à l’étranger par la poste.
De nombreux étrangers qui étudient au Japon à leurs propres frais s’inscrivent d’abord dans une école de langue japonaise au Japon et améliorent ensuite leurs compétences en langue japonaise avant d’étudier dans une université japonaise et autres établissements.
Si un lycéen chinois ayant réussi un examen de fin d’études (le baccalauréat, par exemple) est accepté dans une école de langue japonaise au Japon, il devra soumettre les documents suivants à cette dernière pour obtenir un certificat d’éligibilité avant l’entrée au Japon :
- Un certificat de fin d’études et un relevé de notes
- Une attestation de solde bancaire, une attestation de travail et un certificat d’imposition avec le revenu brut de la personne qui s’acquitte de ses dépenses
Si les notes de l’étudiant étranger sont trop faibles ou s’il s’avère que ses parents ne sont plus en mesure de prendre en charge ses frais d’études, il peut se retrouver en situation irrégulière sur le sol japonais. En effet, les autorités chargées de l’immigration s’octroient le droit de refuser de délivrer un certificat d’éligibilité sur la seule base de mauvaises notes au lycée, et ce, malgré la capacité du demandeur à payer les frais.
Bien que cela ne soit pas rendu public, le Bureau de l’immigration du Japon définit des critères spécifiques à chaque pays pour l’examen des certificats d’éligibilité. À titre d’exemple, la procédure d’examen pour des pays comme la Chine et le Viêt Nam, qui comptent un grand nombre de résidents illégaux au Japon, tend à prendre plus de temps que pour des pays comme la France et l’Allemagne, pays exemptés de demande de visa de tourisme. Aussi, pour certains pays, comme le Nigeria, on observe un cas où il est impossible d’obtenir un certificat d’éligibilité.
Ainsi, un élève chinois ayant reçu un certificat d’éligibilité doit également demander un visa à l’ambassade du Japon en Chine avant de pouvoir rentrer sur le territoire japonais. Ce visa peut lui être refusé, et ce, même si les autorités japonaises de l’immigration lui avaient délivré un certificat d’éligibilité.
La délivrance de ces visas relève de la compétence du ministère japonais des affaires étrangères. En d’autres termes, le Japon dispose d’un système strict de contrôle d’entrée en deux phases : la délivrance d’un certificat d’éligibilité par le Bureau de l’immigration et celle d’un visa par le ministère des Affaires étrangères.
Des interpellations régulières
Comme en France, des interpellations par des policiers sont effectuées au Japon sur des Japonais et des ressortissants étrangers. Ce grand effort des policiers a permis l’arrestation d’un certain nombre d’étrangers en situation irrégulière et de criminels.
En effet, selon le Livre blanc de la police japonaise publié en 2023, 111 877 personnes, y compris des étrangers, ont été arrêtées en 2022 pour des infractions pénales. Les étrangers représentent 66 % du total de ces arrestations.
Certains étrangers ayant été interpellés à plusieurs reprises par des officiers de police japonais sur la base de leur race, de la couleur de leur peau ou de leur nationalité, prétendent que leurs interpellations constituent des discriminations et violent la Constitution japonaise. Leurs sentiments sont compréhensibles, mais le système d’interpellation de police, qui fonctionne bien, doit être maintenu afin de protéger la sécurité publique au Japon. Contrairement aux Japonaise, les Coréennes marchent les bras croisés : les policiers japonais en sont parfaitement conscients et les interpellent.
Du durcissement de la loi sur l’immigration
En juin dernier, la loi révisée sur l’immigration a été adoptée par la Chambre des conseillers (l’équivalent du Sénat français) avec une majorité de votes favorables. La loi modifiée prévoit les conditions suivantes pour la révocation de carte de séjour permanent.
- Non paiement intentionnel de l’impôt ou des primes d’assurance publique
- Violation des obligations prévues par la loi sur l’immigration, comme le port permanent d’une carte de séjour
- Violation du droit pénal, etc.
La loi révisée sur l’immigration a été critiquée par certains résidents étrangers au Japon titulaires d’une carte de séjour permanente. Cependant, l’administration japonaise soupçonne de nombreux étrangers d’échapper à l’impôt. De fait, on observe que certains Chinois reçoivent des bourses du gouvernement japonais qui ne sont accordées qu’aux personnes à faible revenu, alors que ces derniers scolarisent leurs enfants dans des lycées et des universités privés très coûteux. Ces nouvelles dispositions ne constituent pas une discrimination à l’encontre des étrangers, mais plutôt une protection des étrangers vivant au Japon qui se conforment à la culture et aux systèmes japonais et qui paient correctement leurs impôts.
Bien que le système d’immigration japonais puisse sembler excellent aux yeux des pays européens, qui s’emploient à lutter contre l’immigration clandestine, la politique japonaise en la matière présente également des lacunes. L’une d’entre elles concerne les faux demandeurs d’asile.
Demandeurs d’asile au Japon : une tendance à la hausse
En dépit des mesures efficaces prise par le Japon pour contenir l’immigration irrégulière, le nombre de demandeurs d’asile au Japon est en augmentation. Voir le graphique ci-dessous.
Les trois tendances récentes suivantes se lisent sur la base de données de l’Agence japonaise de l’immigration :
- 13 823 étrangers ont demandé le statut de réfugié en 2023, soit une augmentation de 10 051 (environ 266 %) par rapport à 2022.
- 1 661 d’entre eux, soit environ 12 %, avaient déjà demandé le statut de réfugié dans le passé.
- Les nationalités des demandeurs du statut de réfugié couvrent 87 pays, les principales nationalités étant le Sri Lanka, la Turquie, le Pakistan, l’Inde et le Cambodge.
La propagation mondiale du COVID-19 a temporairement entraîné une baisse du nombre de demandeurs d’asile au Japon, mais ce nombre a augmenté à partir de 2022. Cette évolution est principalement due aux deux facteurs suivants.
- En mars 2010, les demandeurs du statut de réfugié ont été uniformément autorisés à travailler au Japon six mois après avoir demandé le statut de réfugié.
- L’expulsion vers leurs pays d’origine a été systématiquement suspendue lorsque qu’ils continuaient à demander le statut de réfugié.
Autrement il était auparavant possible de travailler au Japon en contournant le système d’immigration, en répétant la procédure de demande d’asile. Pour lutter contre les étrangers abusant et détournant le système de demande d’asile, le gouvernement japonais a récemment modifié la loi de telle sorte à ce que les individus ayant demandé plus de trois fois le statut de réfugié soient être rapatriés.
Les leçons que la France pourrait tirer des mesures prises par le Japon pour lutter contre l’immigration clandestine
Sur la base des mesures mentionnées précédemment, la France pourrait prendre en considération les trois points suivants :
- Renforcer le système de visas et d’autres procédures de contrôle à l’entrée sur le territoire
- Améliorer le système d’interpellation des policiers par la formation
- Réviser les accords Schengen
Les conditions géographiques de la France ne pouvant être changées, des mesures systémiques contre l’immigration clandestine pourraient être envisagées. De même qu’il est très difficile pour les étrangers d’entrer sur le territoire japonais, la lutte contre l’immigration illégale oblige à restreindre la libre circulation des personnes.
Les accords Schengen permettent aussi la libre circulation des extra européens. Il est peut-être temps de les réviser en raison des préoccupations liées à la détérioration de la sécurité causée par l’immigration illégale en Europe.