Je suis toujours surpris et un peu désarçonné quand j’entends une féministe proclamer hardiment, et sur un ton en général aussi péremptoire que celui d’Antigone devant Créon : « Je réclame le droit de disposer de mon corps ! ».
Je n’ai pas connu l’époque antérieure à la légalisation de l’avortement, mais même à cette époque-là l’expression m’aurait paru comme aujourd’hui totalement outrancière, pour ne pas dire ouvertement ridicule : une femme qui avorte ne dispose pas de son corps, elle dispose de l’embryon qu’une étreinte imprudente a suscité en elle.
Dans l’affaire, son corps n’est jamais qu’un véhicule – que, sauf en cas de viol, elle a choisi librement d’envoyer dans le fossé après avoir loupé un virage.
En réalité, dans une société libérale où l’autonomie des individus est revendiquée comme un principe fondateur du droit et où la force coercitive de l’autorité patriarcale et maritale n’est guère plus assumée que dans des familles d’origine extra-européenne, en quoi peut bien consister une revendication de ce type ?
La plupart des femmes, mariées ou non, que l’on croise dans la vie de tous les jours sont parfaitement aptes à disposer de leurs corps comme elles l’entendent, soit en l’offrant libéralement au désir des hommes soit (plus souvent) en le leur refusant.
Et c’est évidemment très bien ainsi. Dès qu’il s’agit de désir ou de passion, la souveraineté virile n’est qu’un mythe.
Je veux bien admettre qu’il existe ici ou là des patrons abusifs ou des prétendants mal embouchés, mais je n’arrive pas à croire qu’ils constituent aujourd’hui la majorité, relative ou absolue, des cas.
Surtout à une époque où les femmes, en grand nombre diplômées, atteignent souvent un niveau assez respectable dans la hiérarchie sociale (mon cas ne prétend pas à la généralité, mais j’ai eu au moins autant sinon plus de supérieurs hiérarchiques de sexe féminin que masculin dans ma carrière professionnelle).
Encore plus étrange devient cette manie militante, quand elle étend de surcroît la revendication pavlovienne des années 1970 à la libre disposition d’un voile religieux sur la tête d’une femme dans un lieu public, une entreprise ou une université.
Si tu es libre de te voiler, chère Madame ou Mademoiselle, dans cette nation chrétienne et laïque où les femmes exposent sans honte depuis longtemps la vue de leurs jambes et de leur décolleté, moi je suis libre en conséquence de t’ignorer ou de te mépriser. En tout cas, de ne pas te considérer comme ma compatriote et mon égale.
Droit contre droit, au final l’issue de l’affaire sera d’abord quantitative, en dépit de toutes les lois liberticides qui prétendent aujourd’hui traquer et punir la discrimination.
A dire le vrai, cette revendication, à chaque fois que je l’entends, me paraît aussi incongrue que celle d’un homme qui viendrait dire : « Je réclame le droit de disposer de mon rasoir et de mon costume, et de pouvoir bander comme je l’entends. Et puis aussi de lire à haute voix le livre de Dominique Aury dans le jardin du Luxembourg. Jamais au grand jamais nous ne céderons là-dessus ».
Ce serait la cause du siècle, vraiment.
Finalement, c’est la libertine et scandaleuse Colette qui avait raison, là comme ailleurs, bien avant les autres : « Les Suffragettes ?, disait-elle. Selon moi, ces femmes mériteraient de connaître le harem et le fouet. »
Voilà. C’est avec cette citation lapidaire que s’achève ma contribution désintéressée à la journée de la femme.