Deux scènes de la cérémonie d’ouverture des JO ont concentré l’essentiel de la polémique.
La première, c’est le détournement de la Cène, de Léonard.
Dans la Cène de la Cérémonie d’ouverture, Jésus est remplacé par un femme obèse, dûment entourée d’une auréole-diadème pour lever toute ambiguïté. Le metteur en scène a respecté la composition initiale (4 groupes de 3) du tableau mais tout est en quelque sorte nié et inversé. Les apôtres sont remplacés par une brochette de personnages noirs, trans, queer, femme à barbe. L’apôtre Thadée lève le bras gauche au lieu du droit, etc.
Dans certains pays, le blasphème est toléré, mais le tolérer, c’est déjà le reconnaître, peser le droit des religieux à ne pas se sentir offensés, à défendre leur vision de Dieu contre celle des athées – le rapport de force étant par nature instable et pouvant toujours évoluer en défaveur des athées. En France, nous avons eu beaucoup d’avance : “la République ne reconnaît aucun culte” (loi de 1905, article 5) et c’est une très bonne chose. Ce n’est pas que le blasphème est toléré, c’est qu’il n’est au sens propre, pas reconnu. Dieu n’est pas une entité juridiquement opposable (ou alors, il n’a pas d’ayant droit reconnu). Circulez, y’a rien à voir.
Ceux qui s’offusquent devant l’image détournée de la Cène sont donc coincés. Ces droitards sont souvent les mêmes qui ont défilé en faveur des caricatures de Charlie-Hebdo et si leur indignation est sélective, c’est évidemment parce qu’ils ne défendent la laïcité que lorsqu’elle s’en prend à l’Islam. Les voilà donc catalogués racistes (islamophobes) et conservateurs (défense de la religion catholique), voire incultes (le tableau initial de Léonard est lui-même volontairement et agressivement anachronique, les apôtres étant situés au sein d’un décor Renaissance, il n’y a donc aucun péché, juste un clin d’oeil, à le détourner lui-même à nouveau).
Un droitard – ou même un gauchiste tendance Jaurès, c’est aujourd’hui souvent la même chose – pourra toujours rétorquer que l’attitude du metteur en scène n’est pas particulièrement courageuse. S’en prendre au catholicisme n’est pas risqué, c’est même tendance en France, depuis au moins Molière. Un tel détournement appliqué à l’Islam aurait engendré des troubles planétaires et aurait donc été bien plus subversif, mais après tout, on est dans le domaine de liberté de l’artiste: à lui de choisir sa cible. Et la Religion est une cible.
Mais ce faisant, on méconnaît profondément la cible de Jolly qui n’est pas la religion, mais bien le catholicisme. Ce n’est pas la Religion, opium du peuple, qui est attaquée au nom d’une entreprise d’émancipation universaliste d’inspiration Voltairienne ou marxiste, mais le catholicisme. Ce n’est pas par hypocrisie ou par crainte mais bien par conviction que seul le catholicisme est attaqué.
Le catholicisme représente tout à la fois la Bourgeoisie, la blanchité, le capitalisme, les cisgenres, la France périphérique, le colonialisme, la réaction et en tant que tel, il est opposé à toutes les aspirations du bloc islamo-gauchiste: prolétariat diversité, inclusivité (qui exclut), théorie du genre, France des villes et discours intersectionnel décolonial. Dans cette lutte, l’Islam est préservé, il est même un allié, en tant que religion des prolétaires et des colonisés. Il n’y a plus aucune aspiration universaliste dans cette représentation de gauche. Elle est simplement cathophobe. La laïcité sert d’alibi à l’intolérance religieuse crasse, tribale.
Ceux qui ont aimé comme ceux qui ont détesté ont parfaitement senti tout cela. Nulle hypocrisie. On s’en est pris volontairement aux cathos, pas aux religions dans leur ensemble. Intégristes et athées, il faut les lire de façon littérale, au premier degré.
Le deuxième tableau est celui de Marie-Antoinette décapitée, scène crue et macabre où on voyait le coup coupé de Marie-Antoinette tenant dans sa propre main sa tête qui parlait. Tableau rouge sang mais dans un style peu réaliste – et Marie-Antoinette sourit – pour en atténuer l’horreur.
Il reste que dans une cérémonie presque totalement dénuée d’Histoire au sens grandiose du terme, le seul personnage marquant de l’histoire de France pour le réalisateur, Thomas Jolly, assisté de l’historien officiel de la Cour de gauche, Patrick Boucheron, c’est la guillotine, la Terreur et toute la radicalité qui va avec. Robespierre (récemment réhabilité par Mélenchon et Antoine Léaument) ou Staline plutôt que de Gaulle, Napoléon ou même Jaurès. Eugénie Bastié a finement résumé la situation en parlant de “Puy du Fou woke”.
Là encore, les politiques ne s’y sont pas trompés. Aurélien Saintoul, député LFI et St-Just au petit pied lors des commissions parlementaires anti-Bolloré a adoré le tableau de Marie-Antoinette et la “liberté d’expression” dont a fait preuve Thomas Jolly. Marion Maréchal, moins. Et même Sandrine Rousseau a changé de vision sur les Jeux !
Cette magnifique cérémonie, profondément française malgré tout, allant même jusqu’à une forme de ringardisme kitsch assumé puisqu’elle tenait aussi de l’Eurovision (même si là c’est la France qui gagne), de Champs-Elysées (le premier Champs-Elysées post Drucker, mais la bande son a été intégralement respectée), de Maritie et Gilbert Carpentier (en un peu plus long et beaucoup plus cher qu’à l’époque), est la meilleure et la pire qu’un réalisateur de grand talent pouvait réaliser quand en même temps il laisse libre cours à son idéologie haineuse, intolérante, raciste – et en toute bien-pensance.
1 commentaire
La dernière phrase résume le tout parfaitement, idéologie de la bien-pensance qui est constituée de la haine, de l intolérance et du racisme. Quels sont les trois principes qui définissent le Nazisme ?