Le redressement de notre économie ne peut s’opérer que par la réindustrialisation du pays. Le mouvement a été initié en 2021 avec la mise en place du Plan « France 2030 » par Emmanuel Macron. La soudaine dissolution de l’Assemblée Nationale, avec les troubles et les incertitudes qu’elle cause, a de quoi inquiéter les investisseurs, qu’ils soient nationaux ou même encore étrangers.
Emmanuel Macron, bien qu’il ait été précédemment ministre de l’Economie, a pris du temps pour comprendre que les maux affectant notre économie depuis la fin des Trente Glorieuses proviennent de la désindustrialisation du pays. La crise des Gilets Jaunes de novembre 2018 était pourtant l’illustration même des dégâts que cause la désindustrialisation d’un pays. A savoir : un appauvrissement de la population, une raréfaction des emplois ainsi qu’une désertification du territoire. Mais cela ne fit pas tilt. Ce ne fut que plus tard, par le simple hasard de la crise de la Covid-19, qu’Emmanuel Macron réalisa que nous étions gravement désindustrialisés. Il lança donc le plan « France 2030 », un plan de 5 ans qui est bien timide, avec ses objectifs restreints et ses moyens limités. C’est ainsi que nous avons commencé à nous réindustrialiser avec le concours des investissements étrangers, Emmanuel Macron se mettant en quatre pour les inciter s’installer en France, et l’on sait que le dernier « Choose France » qui s’est tenu à Versailles a été un franc succès, la France devenant enfin un pays attractif pour les IDE (Investissements directs étrangers).
Cependant, avec la crise déclenchée par la soudaine dissolution, tout a changé. Le pays se trouve brusquement plongé dans le chaos : les Français sont désorientés car ils comprennent que l’on entre dans une longue période de troubles. Les partis politiques ont dû élaborer dans la plus grande précipitation un programme et désigner les candidats qui vont défendre leurs couleurs aux élections législatives.
Désormais, le paysage politique se structure en deux grands blocs bien décidés à s’affronter : un bloc de droite, emmené par le Rassemblement National (RN), et un bloc de gauche, qui s’intitule « Le Nouveau Front Populaire », un nom qui a une résonance révolutionnaire, choisi en écho au fameux « Front populaire » de 1936 qui causa, on s’en souvient, d’énormes dégâts à l’économie du pays. Entre les deux, on retrouve un courant que l’on peut qualifier de centriste, constitué de membres divers qui ne savent pas encore s’ils vont collaborer ensemble, dont le parti du Président.
Il faut donc s’interroger pour savoir ce qu’il va advenir du programme de réindustrialisation amorcé par Emmanuel Macron, programme qui aurait eu besoin d’être considérablement renforcé.
Le Plan « France 2030 » d’Emmanuel Macron
Lancé en décembre 2021, le Plan « France 2030 » s’élevait à 30 milliards d’euros, auxquels sont venus se rajouter 24 milliards encore disponibles, résultant du plan précédent (France Relance). L’objectif de ce plan était le suivant : « Faire émerger les futurs champions dans nos filières d’excellence ». Ses objectifs :
La construction de petits réacteurs nucléaires (SMR)
Faire de la France le leader de l’Hydrogène vert
Construire deux millions de voitures électriques d’ici 2030
Baisser de 35 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030
Produire le 1er avion bas-carbone
Produire en France 20 bio-médicaments
Prendre notre part dans l’aventure spatiale
Investir dans les grands fonds marins
Des objectifs bien déterminés, quand nous aurions plutôt besoin d’un plan beaucoup plus vaste, sans distinction entre projets « stratégiques » et projets « non stratégiques ». Il nous appartient ici de présenter l’esquisse du plan de marche dont le pays a si urgemment besoin.
Esquisse d’un vrai Plan de redressement de l’économie française
Il s’agira avant tout d’avoir l’ambition de remonter à 18 % la participation de notre secteur industriel à la formation du PIB, quand elle ne dépasse plus les 10 % aujourd’hui.
Nous indiquons ci-dessous les lignes générales du plan dont nous aurions besoin, un plan doté d’un budget important, pour faire à l’américaine du « Build Back Better ».
Plan de redressement de l’économie en 10 ans
Objectif : Porter l’industrie à 18 % du PIB.
Avec :
Création de 800.000 à 1.000.000 emplois industriels
350 milliards d’euros d’investissements à réaliser
Recours aux investissements étrangers (IDE) : 150 milliards euros
150 milliards d‘euros de budget de soutien aux entreprises dont le paiement s’étalera sur 20 ans
Rythme annuel :
Création d’emplois : 80.000 à 100.000 par an
Investissements : entreprises françaises : 20 milliards d’euros ; entreprises étrangères : 15 milliards d’euros
Selon ce plan, les effectifs du secteur industriel s’élèveraient à près de 4 millions de personnes en fin de période, chiffre à comparer aux 7 millions de salariés existant aujourd’hui en Allemagne dans ce secteur. Mais, à la différence des Etats-Unis, ce plan ne comporterait pas de mesures de protection douanière : les règles de la concurrence de l’UE nous l’interdisent. L’Europe serait bien inspirée d’autoriser la préférence nationale dans les commandes publiques, à l’instar des Etats-Unis.
Il faut bien voir que l’industrie est, des trois secteurs qui composent l’économie d’un pays, celui qui génère le plus de richesses et où le progrès technique se développe le plus rapidement. Le drame qui s’est produit dans notre pays est que la loi des trois secteurs de l’économie, énoncée par l’économiste Jean Fourastié dans son ouvrage « Le grand espoir du XXe siècle » (1949), a été mal comprise.
On en a conclu, à tort, qu’un pays moderne ne serait plus constitué que par des activités de services. Le cliché de la « société post-industrielle » lancé par le sociologue Alain Touraine a fait bien des dégâts.
En effet, si dans un pays moderne, les effectifs de l’industrie vont en s’amenuisant, la valeur ajoutée par emploi croît très vite sous l’effet des progrès techniques. De sorte que le secteur industriel continue à être présent et représente toujours entre 20 % et 25 % du PIB. En France, le secteur industriel ne concourt plus que pour 10 % à la formation du PIB, quand il est à 23 % et 24 % en Allemagne ou en Suisse, pays que ne se sont pas laissés piéger par le cliché « post-industriel ».
Les nouvelles coalitions politiques issues de la dissolution hypothèquent la réindustrialisation de la France
L’accès au pouvoir de l’un des deux clans s’affrontant dans les élections législatives en cours ne saurait être favorable à la réindustrialisation du pays. Le plan que nous avons esquissé plus haut requiert un flux d’investissements de 35 milliards d’euros par an, dont 15 provenant, en moyenne, de firmes étrangères. Qu’il s’agisse du Rassemblement National ou du Nouveau Front Populaire, le climat d’instabilité politique n’aura rien de rassurant pour les investisseurs.
Dans un cas comme dans l’autre le pays se trouverait plongé dans un climat chaotique pour les investisseurs, dans un contexte où des flux importants d’investissements sont nécessaires pour reconstruire notre économie.