Les chiffres officiels de l’ONS (équivalent britannique de l’INSEE) sur l’évolution de la population au Royaume-Uni ont été rendus publics mardi 8 octobre dernier. Entre 2022 et 2023, nos voisins d’outre-Manche ont accueilli 1 185 600 immigrés. Dans le même temps, 508 300 britanniques ont quitté leur terre natale et, pour la première fois depuis près d’un demi-siècle, le nombre de décès a dépassé celui des naissances.
La croissance de la population britannique, en hausse de 1%, n’est plus portée par l’accroissement naturel mais par l’immigration de masse. Au Royaume-Uni les statistiques ethniques existent, et en plein cœur d’une transformation démographique sans précédent, le pays se trouve être un laboratoire européen dont les données publiques battent en brèche l’idée selon laquelle l’immigration serait source de richesse économique.
La part de plus en plus prépondérante de l’immigration dans la population britannique
Depuis 2010, 10 millions d’immigrés sont entrés au Royaume-Uni et 6,3 millions de britanniques l’ont quitté. Ainsi, la migration nette a accru la population générale de 3,7 millions d’individus, soit l’équivalent des populations d’Édimbourg, Leeds, Sheffield, Nottingham, Stoke, Bristol et de Cardiff réunies et plus que l’entièreté du Pays de Galles.
En 2021, on pouvait déjà évoquer une « minorité blanche » dans de nombreuses grandes villes, comme Birmingham, Manchester ou Londres. Ainsi, dans la capitale, seuls 36,8 % des résidents appartenaient au groupe des « Anglais, gallois, écossais, nord-irlandais ou britannique » ; lorsqu’ils constituaient encore 44,9% des Londoniens dix ans auparavant.
Si l’on exclut les flux sortants de citoyens britanniques, le solde migratoire s’est établi en moyenne à 55 000 par an entre 1964 à 1997, contre 316 000 depuis l’année 1997. Une augmentation qui redouble de plus belle pour l’année 2022-2023, avec un solde migratoire de 677 300.
Sur la trajectoire actuelle, la migration nette représentera donc une croissance démographique annuelle de plus de 0,6 % au cours de la décennie 2020, soit le double du taux des trois dernières décennies et six fois le taux des années 1990.
Ainsi, entre 2001 et 2021, le part de la population née en dehors du Royaume-Uni est passée de 9 % à 17 %. Un pourcentage qui dépasse celui des États-Unis (14 %), pourtant perçus comme un « melting-pot ». En 2022, l’ONS annonçait 70 millions d’habitants pour l’année 2036, seuil avancé aujourd’hui à 2026.
L’immigration de masse, une chance pour l’économie britannique ?
Si l’immigration permet d’accroitre la démographie britannique, les avantages économiques promis ne se sont pas encore matérialisés. La corrélation n’étant pas la causalité, l’idée qu’une migration encore plus importante est le moyen de sortir de la stagnation économique semble de plus en plus difficile à défendre.
En effet, l’accélération de l’immigration observée ces dernières années a coïncidé avec un ralentissement spectaculaire de la croissance du PIB par habitant. Pire, les dépenses publiques liées à celle-ci auraient, selon le Comité consultatif sur les migrations (MAC), freiné la modernisation de l’économie britannique en se substituant aux dépenses d’investissement en capital productif.
Malgré la rhétorique d’un système très sélectif, le système post-2021 continue de permettre à un grand nombre de d’immigrés ne travaillant pas ou occupant des emplois mal rémunérés d’entrer au Royaume-Uni. Ainsi, sur un échantillon de 2 millions de ressortissants de pays tiers ayant immigré au cours des cinq dernières années, seuls 15 % d’entre eux sont venus pour travailler. En revanche, les les demandes de visas pour motif de santé représentaient, fin 2023, près de 900 000 personnes, ce chiffre incluant seulement 0,3 % d’Européens.
Lors du recensement de 2021, le taux de chômage des immigrés originaires des pays de la région MENAT (Moyen-Orient, Afrique du Nord et Turquie) était deux fois supérieur à celui des Britanniques (38,6 % contre 20,3 %), et presque quatre fois supérieur à celui des Européens (12,4 %) et des Australiens (11 %), tout en restant proche du taux de chômage des natifs d’Asie du Sud (Afghans, Bangladais, Indiens, Pakistanais et Sri Lankais, 31,1 %).
Non seulement les immigrés contribuent peu à l’économie britannique, mais ils pèsent particulièrement lourd sur les finances publiques et les infrastructures des Etats membres du Royaume-Uni.
Ainsi, la part de la population arrivée au cours des 20 dernières années a augmenté plus rapidement que la croissance des infrastructures de transport, des cabinets de médecins généralistes ou encore des écoles secondaires. Pour l’Angleterre dans son ensemble, la croissance du parc immobilier ayant été à peine supérieure à la croissance de la population due à l’immigration, celle-ci a exercé une pression à la hausse sur les coûts du logement.
Les revenus, et donc les contributions fiscales, variant énormément selon les groupes ethniques, une large partie des immigrés d’origine africaine vivent dans des logements sociaux. C’est le cas de 35 % des Nord-Africains, contre moins de 10 % des Français ou des Indiens. Les données révèlent enfin que les immigrés originaires de pays comme le Canada, Singapour et l’Australie paient entre quatre et neuf fois plus d’impôts sur le revenu que les migrants de Somalie ou du Pakistan.
L’immigration : une question politique de plus en plus centrale au Royaume-Uni et dans tout l’Occident
Il y a 8 ans, 47,9 % des Britanniques ayant voté en faveur du Brexit avaient choisi de quitter l’UE pour que le Royaume-Uni « contrôle ses frontières ». Le leader du leave, Nigel Farage, avait même déclaré « I’d rather be poorer with fewer immigration » (« Je préfère être plus pauvre, avec moins d’immigration »). Force est de constater que, quatre ans après la mise en place du Brexit, l’appauvrissement des Britanniques s’est conjugué avec une hausse massive de l’immigration.
Un rapport publié en mai 2024 par le Centre for Policy Studies (premier think tank de centre-droit du Royaume-Uni) indique que 64 % des électeurs affirment que l’immigration a été « trop élevée au cours des 10 dernières années », un pourcentage qui a progressivement augmenté ces deux dernières années. Plus de la moitié des Londoniens (53 %) rejoignent ce constat, tout comme environ 49 % des Libéraux-démocrates, 47 % des électeurs du Remain et 44 % des 18-24 ans.
Dans un monde où 900 millions d’adultes émigreraient définitivement de leur pays s’ils le pouvaient, le Royaume-Uni est loin d’être le seul État à s’inquiéter de l’impact de l’immigration de masse. Au Canada, Justin Trudeau a déclaré que l’immigration a « augmenté à un rythme bien supérieur à ce que le Canada a été en mesure d’absorber ». En Nouvelle-Zélande, les règles en matière de visas ont été renforcées après que l’immigration ait atteint un niveau « insoutenable ». Et en Australie, le Parti travailliste au pouvoir prévoit de réduire de moitié l’accueil des migrants au cours des deux prochaines années.
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