Que reste-t-il des Gilets Jaunes ? Des péages en bon état de fonctionnement, et des habits fluorescents mis au placard. Comment l’étouffement d’un mouvement populaire qui imposait ses thématiques, ses personnalités, et tous les samedis, son rythme à la vie nationale, a-t-il pu éliminer toute trace de leur existence ? Sept ans après l’émergence d’un mouvement de contestation sociale inédit, que reste-t-il de la révolte des ronds-points qui a ébranlé la vie politique et secoué l’Elysée ? Une colère rentrée, une révolte en apnée qui n’a pas su chambouler le monde des idées.
C’était au départ une histoire de routes et de taxes, un de ces petits caprices administratifs que l’État invente pour égayer les fins de mois. Une taxe par-ci, une hausse par-là, un grattage discret. Mais, contre toute attente, existait encore, à quelques kilomètres des hypercentres piétonnisés, une France qui fume des clopes et roule au diesel, une France ni de droite ni de gauche – ou d’un peu des deux -, qui se fout de l’Europe, mais qui adore les Italiens, les Espagnols, les Grecs (enfin, ça dépend des jours), une France qui n’en peut plus qu’on lui donne des leçons de morale écologique.
Cette France-là, n’a pas pris la chose avec la résignation attendue, et, comme tout mouvement populaire défiant l’ordre établi, les Gilets Jaunes ont été récupérés, déformés, instrumentalisés par une multitude d’acteurs politiques. Peu à peu, ce qui se voulait un cri d’autonomie s’est transformé en un nouvel écho politique, une caisse de résonance ânonnant des discours de plus en plus fragmentés.
Prison sans sursis pour les primo-délinquants, mandats de dépôt, lourdes amendes, interdictions de manifester, interdiction des droits civiques privant opportunément du droit de vote, doctrine du ‘‘laisser dégénérer’’ au sein des manifestations avant intervention au LBD, etc. En concevant sur mesure une doctrine aussi répressive, le gouvernement n’a pas seulement réprimé une révolte, il a fabriqué du silence pour la suite.
Il semble que la leçon ait porté. Dans ce cas, combien de révoltes ont pu, par le souvenir cuisant de la répression des Gilets Jaunes, être étouffées avant même de naître ?