Entretien avec Renaud Camus, l’écrivain qui a donné son nom au Grand Remplacement, auteur de La Dépossession, Le Petit Remplacement, Le Grand Remplacement, Le Profond Murmure. Son dernier ouvrage, La Destruction des Européens d’Europe, publié aux Editions de La Nouvelle Librairie en octobre 2024, retrace l’histoire de l’Europe, et explore les conditions de l’effacement de la substance comme de l’esprit des Européens.
Nina Pravda : Cela fait plus d’une décennie que vous écrivez sur le phénomène inédit de submersion migratoire que subit l’Europe et que vous avez nommé le Grand Remplacement, lequel est rendu possible par le Petit Remplacement. Vos derniers ouvrages, notamment La Destruction des Européens d’Europe (2024) apparaissent comme une tentative de comprendre comment celui-ci a pu s’accomplir sans obstacles et surtout sans révolte des peuples indigènes. Quel est, selon vous, le dogme qui a pu permettre à ce Grand Remplacement d’advenir et à quand remonte son apparition ?
Renaud Camus : Les conditions ont été posées par ce que j’ai nommé la seconde carrière d’Adolf Hitler : sa carrière à l’envers, sa carrière de fantôme, sa carrière d’impensé obsessionnel de toutes les phrases : moins directement criminelle que la première, mais de conséquences géopolitiques plus vastes encore, et surtout plus durables. Rien de ce qui a été associé de près ou de loin au régime nazi n’est plus défendable. Or le régime nazi, nonobstant ses abominations, était aussi un mode de gouvernement parmi d’autres, présentant beaucoup des traits indispensables à tout gouvernement et à la survie de toute nation. Si de tout et de n’importe quoi on peut dire : ah oui mais les nazis aussi parlaient de cela, peuple, race, culture nationale, préférence nationale, etc., et donc ce doit être éliminé, plus aucune défense des États n’est possible.
Un homme qui déclare sans y penser, parce que c’est comme ça, que dans son immeuble il est le seul blanc, se fait aussitôt traiter de nazi. Même le simple constat devient impossible. Le très légitime “plus jamais ça !” appliqué à l’univers concentrationnaire et aux camps de la mort a fondé la légitimité indubitable de l’antiracisme première manière (protection des races menacées et des individus menacés à cause de leur race), légitimité si grande qu’elle a mené à une toute-puissance idéologique, toujours dangereuse (“le communisme du XXIe siècle”, a dit très justement Alain Finkielkraut), et à l’antiracisme deuxième manière (il n’y a pas de races et elles sont toutes égales).
Mais pour répondre plus directement à votre question, le Dogme, qui n’est tout à fait proclamé qu’une trentaine d’années après la Shoah, vers le milieu des années soixante-dix, c’est l’inexistence des races. Alors qu’il est au moins aussi étonnant que l’Immaculée Conception ou l’Infaillibilité pontificale, il ne peut être contesté lui non plus, sous peine d’excommunication médiatique, de condamnation à la mort civile. Or il assure l’impossibilité de toute résistance au changement de peuple : comment pourrait-il y avoir changement de peuple, et a fortiori changement de race (en quoi le premier consiste surtout), s’il n’y pas de races ? On ne comprend même pas ce que vous dîtes.
Nina Pravda : Dans quelle mesure les méthodes d’organisation du travail, de la production et de la communication développées par Frederick Taylor, Henry Ford et Edward Bernays à la fin du XIXe siècle et au début du siècle dernier ont-elles influencé les méthodes de management modernes “davocratiques’’ au service de l’idéologie que vous nommez Remplacisme Global ?
Renaud Camus : Dans une mesure colossale, littéralement fondamentale. Le remplacisme global est la création mécanique, c’est le cas de le dire, de la deuxième révolution industrielle, l’américaine, celle qu’inaugurent Taylor et Ford. On pourrait même dire, en exagérant à peine, que le remplacisme global est exactement le système qu’instaure Frederick Winslow Taylor quand il écrit très précisément, à l’orée de ses Principles of Scientific Management : « Jusqu’à présent, c’était l’homme qui passait en premier ; désormais ce doit être le système ». Le système, c’est la chaîne de montage, qui fait ses débuts aux abattoirs de Chicago et qui saute de là dans les usines Ford de Détroit et de Dearborn.
Le remplacisme global, c’est le remplacement de tout, gestes et matériaux, par des gestes moins nombreux, plus surveillés et plus efficaces, normalisés, et par des matériaux également moins nombreux, plus économiques et plus faciles à agencer, standardisés. C’est un univers de pièces détachées, de pièces de rechange, comme l’a parfaitement vu Heidegger, mais ne compliquons pas. Le remplacisme, à partir de l’industrie, a fini par gagner l’homme, qui est avec la culture et l’agriculture un des derniers champs à subir l’industrialisation de masse.
Procéder à des élections au sein d’une Europe davocratique, c’est demander à Gisèle Pélicot son avis au moment où les visiteurs sonnent à la porte.
L’univers du remplacement, c’est aussi, d’emblée, et en quelque sorte par définition, un univers du faux, de la copie, du fac-similé, du makeshift, comme dit William Morris, de l’ersatz, comme disent ses traducteurs, de la contrefaçon. Le faux lui est consubstantiel. Et c’est là qu’intervient Bernays, cynique promoteur à la fois de la propagande politique et de la publicité, de la publicité comme propagande politique, de la propagande politique comme publicité. Il n’y a plus de solution de continuité entre le commerce, les affaires, le business, le show-business et la politique. Bernays passe de l’un à l’autre en se jouant.
En manipulant les désirs et les opinions, la publicité propagandiste et la propagande publicitaire sont tout à fait capables de créer un réel faux, un faux réel, ce que j’ai appelé le faussel ; et de faire de la démocratie une fiction totale, parfaitement à même, on le voit tous les jours et surtout tous les cinq ans, de faire voter les peuples pour leur propre éradication. Procéder à des élections au sein d’une Europe davocratique, c’est demander à Gisèle Pélicot son avis au moment où les visiteurs sonnent à la porte. Gisèle Pélicot est l’emblème même de l’Europe livrée à la Terre entière et à qui veut par ceux-là-mêmes qu’elle a choisis pour la protéger.
Nina Pravda : Vous attachez beaucoup d’importance au changement de sens des mots. Le baccalauréat, par exemple, qui n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il était. Ou le mot culture, dont l’acception contemporaine comprend désormais « l’ensemble des représentations individuelles et collectives de l’homme en tant qu’être social », pour citer le fondateur de l’histoire culturelle Pascal Ory. Dans quel but conserver des appellations dont le sens ou les contenus ont été radicalement modifiés ? Comment ce truchement a-t-il pu s’opérer et qui impose le vocabulaire contemporain ?
Renaud Camus : Conserver les appellations tout en changeant radicalement leur contenu est le b.a.-ba du faussel. Ici s’impose l’image fameuse de la grenouille dans une eau qu’on met très lentement à bouillir. Quand elle s’aperçoit qu’il fait vraiment trop chaud, il est trop tard, elle n’a plus la force de sauter en dehors de la casserole, elle est cuite. Musique a été pionnier et demeure sans doute le mot qui a le plus radicalement changé de sens : culture l’a suivi avec un peu de retard. On peut citer aussi les noms de nationalité, Français, Anglais, Suédois, soumis à des évolutions si profondes qu’ils rendent l’évidence même inintelligible.
Le vocabulaire contemporain est évidemment imposé par le remplacisme global, petit et grand remplacements mêlés : c’est dire qu’il s’agit bien plus de mécanismes, à la fois industriels et financiers, de montages, si vous voulez, que d’intentionnalité — à moins bien sûr que l’intelligence artificielle, cette acmé du remplacisme, n’en vienne à conférer des intentionnalités aux machines, ce qui pourrait bien arriver.
Nina Pravda : Comment le pouvoir de la petite bourgeoisie, que vous qualifiez de dictature, s’exerce-t-il et dans quelle mesure celle-ci sert-elle les intérêts de la ‘‘Machination’’ ou du Capital, comme aiment à l’appeler les marxistes ?
Renaud Camus : Oh, les marxistes ont bien raison et il serait absurde de séparer la Machination du Capital dont elle est sans doute la phase ultime, et la plus autonome, désincarnée, artificielle. Le communisme soviétique a tout à fait échoué à imposer la dictature du prolétariat, mais le communisme américain, sérieusement entrevu et décrit par Heidegger (même si je ne suis pas sûr qu’il l’ait ainsi nommé), a parfaitement réussi à imposer, lui, la dictature de la petite bourgeoisie, conforme aux intérêts et aux idéaux des États-Unis, petite bourgeoise parmi les nations, sans ancienneté, sans aristocratie, sans héritage culturel antérieur à l’industrialisation, et fondée elle-même sur un grand remplacement génocidaire.
La petite bourgeoisie, qui n’a même pas un nom à elle, était vouée au statut de classe-reine du remplacisme, puisqu’elle est par définition la classe de l’imitation, du fac-similé : la copie de la bourgeoisie en moins cher et en plus petit. Son idée de génie, et qui lui a donné l’empire du monde, a été, contrairement à toutes les classes dominantes avant elle, de n’exclure personne, d’ouvrir grand ses portes, de faire qu’il soit impossible, invivable, de n’être pas petit-bourgeois. Elle ne se conçoit pas d’extérieur, et de fait elle n’en a pas. Elle est tellement ouverte à l’autre qu’elle l’absorbe, qu’elle l’abolit. Elle aliène par assimilation. Sa devise est Pareil au Même.
Nina Pravda : Parmi les grands événements figurant dans l’histoire du Petit et du Grand Remplacement, vous distinguez deux dates fondamentales : l’instauration du collège unique en 1975 (loi Haby) et le décret autorisant le regroupement familial (1976). Quel rôle la loi Haby a-t-elle pu jouer dans le Petit Remplacement et dans la submersion migratoire du pays ?
Renaud Camus : La loi Haby appartient plus à l’histoire du Petit Remplacement que du Grand — encore que… La loi Haby instaurant le collège unique vise tendanciellement à ce que tous les enfants d’une classe d’âge reçoivent la même éducation aux mêmes endroits et en même temps. Elle repose sur une illusion qui, comme beaucoup des faussetés du remplacisme global, est avant tout un vertueux refus des vérités désagréables, qui sont proclamées fausses parce qu’elles sont désagréables, et criminelles parce qu’elles sont nécessairement fausses, étant désagréables. La vérité refoulée, en l’occurrence, c’est que, statistiquement, avec toutes les exceptions individuelles qu’on voudra, il faut plusieurs générations pour une éducation.
Je l’écrivais déjà il y a bien longtemps, et c’est bien sûr une pensée insupportable : la première condition pour éduquer un enfant, c’est de lui donner des parents éduqués, surtout dans un contexte d’effondrement du patriarcat, où l’autorité n’étant plus nulle part, il faut une génération, déjà, pour apprendre à des enfants à se tenir en classe, c’est-à-dire à pouvoir recevoir un enseignement quelconque. Sur ce point il en va de même, d’ailleurs, de l’éducation et de la nationalité : mais tandis que deux ou trois générations sont en général suffisantes pour faire un homme culturellement accompli, elles peuvent très bien au contraire, s’agissant de l’appartenance nationale, et de façon très variable selon les origines, les quantités et les proportions, accroître les écarts et l’inappartenance, l’inassimilation : l’occupant d’aujourd’hui est beaucoup plus dans l’identité culturelle de ses grands parents que ne l’étaient ses grands-parents, qui semblent timides par comparaison.
Un des résultats très manifestes de la loi Haby dans son principe, ce sont ces salles de classes innombrables où, du fait de la diversité des origines sociales, raciales, et culturelles, il est d’emblée évident que tout enseignement est impossible : tout ce qui pourra être obtenu sera d’achever la déculturation des quelques élèves que leur héritage familial rendait prêts à recevoir une instruction quelconque.
Nina Pravda : Parmi les justifications les plus répandues de la poursuite de ce que Aimé Césaire appelle « génocide par substitution » se trouvent les dits « métiers en tensions » et l’exigence de soulager cette tension. Si le recours à une main-d’œuvre étrangère et bon marché sert le Grand Remplacement, quand est-ce que ce mécanisme prendra fin ?
Renaud Camus : Ce mécanisme ne peut prendre fin que par la révolte indigéniste décoloniale, et par la remigration qui en est la traduction en acte. Elle impliquera nécessairement la répudiation de ce “pan-économisme”, cette conception exclusivement économique, commerciale, négociante, limonadière du monde, de la présence et de la nation, qui rend tolérable qu’un restaurateur déclare, en somme, le génocide par substitution indispensable, désolé, parce qu’il a besoin de plongeurs, de marmitons et de chefs de rang. Il y a là deux ordres de la pensée qui sont incompatibles.
Une société a autant besoin de non-diplômés que de diplômés : si elle veut ne former que des diplômés, quand bien même la plupart ne sauraient rien, il lui faudra un ou plusieurs peuples de substitution, et elle sera grand remplacée.
Il faudra nécessairement que les Français et les Européens se fassent ou plutôt se refassent à l’idée que la fermeture d’un restaurant, ou même de mille, n’a aucune espèce d’importance si le prix à payer pour son maintien c’est le crime de changement de peuple. On pourrait convoquer ici, de nouveau, la loi Haby, car la dite “démocratisation” de l’enseignement, dont elle est l’une des expressions, a fait que tout le monde est diplômé, diplômé de rien, mais suffisamment tout de même pour ne vouloir plus occuper certains des emplois indispensables à l’autonomie et à l’indépendance de toute société.
Une société a autant besoin de non-diplômés que de diplômés : si elle veut ne former que des diplômés, quand bien même la plupart ne sauraient rien, il lui faudra un ou plusieurs peuples de substitution, et elle sera grand remplacée. On remarquera d’ailleurs que cet argument des “métiers en tension” tourne tout seul, mécaniquement, comme tous les rouages du remplacisme global : car si certains métiers sont en tension, c’est-à-dire manquent de bras pour répondre à la demande, c’est très souvent que la demande est entretenue et gonflée, déjà, par le Grand Remplacement.
Quiconque met les pieds ou le dos dans un hôpital s’aperçoit bien qu’une part considérable du personnel médical est immigrée, certes, mais cela n’est pas moins vrai des patients. On peut faire la même observation à propos du BTP : il est bien vrai que la plupart des ouvriers des chantiers de construction sont des remplaçants, mais pour qui a-t-on besoin de construire indéfiniment des cités d’habitation, des immeubles, des hôpitaux, des écoles ? C’est pour les remplaçants qu’il faut toujours plus de remplaçants ; et bien sûr pour les remplacistes. La remigration impliquera la décroissance, à commencer par la décroissance démographique, à laquelle la Terre et moi sommes ardemment favorables.
Nina Pravda : Comment les variations de sens des mots racisme et antiracisme se sont-elles produites et de quelle façon contribuent-elles à mettre en péril la diversité du monde ?
Renaud Camus : Ah, c’est une question capitale, c’est même le nœud du problème. Personnellement, j’observe un double renversement en X, un chiasme, qui malheureusement n’est pas tout à fait achevé, qu’il est difficile d’achever, mais dont il serait essentiel qu’il fût mené à terme. Nous en avons déjà touché un mot, il y a eu successivement deux anti-racismes : le bon, si bon qu’il était hélas incritiquable, c’est ce qui l’a perdu ; et le mauvais, celui pour lequel il n’y a pas de races et qui doit faire disparaître celles qu’il y a pour prouver qu’il a raison.
L’antiracisme a en quelque sorte accompli son nom, il n’est plus que la haine des races. C’est lui qui est génocidaire en Europe aujourd’hui : ce n’est pas le racisme. C’est pourquoi il serait indispensable que le racisme accomplisse en symétrie le même renversement que l’antiracisme, et devienne, comme de même l’implique et le permet parfaitement son nom, amour des races, conviction de leur existence et de leur rôle éminent dans les affaires du monde, désir de les protéger et de les conserver toutes, de les faire coexister dans l’harmonie, en plein accord avec l’exigence écologique de biodiversité, dont il est naturellement absurde et lamentable qu’elle s’arrête à l’espèce humaine et l’exclue.
Le dogme de l’inexistence des races, concoctée par une science qui jamais au cours de son histoire ne s’est montrée si servile, tient ici le rôle central. Il est d’autant plus indispensable de remarquer qu’il n’a pu être proclamé par les antiracistes qu’à la condition expresse de prendre le mot race au ridicule petit sens étroit, pseudo-scientifique, où l’avaient cantonné avant eux les pires racistes. Les races sont bien autre chose qu’une catégorie scientifique ! Et comme tout ce qui est superlativement, comme l’identité, comme la nation, comme l’être, elles se dérobent à toute définition unique : il en faut au moins vingt, toutes sont inexactes ou incomplètes, et même leur somme ne définit rien.
Nina Pravda : Vous soulignez, dans vos ouvrages, un phénomène terrifiant, l’inertie du peuple français face à son génocide par substitution. Quel rôle le Petit Remplacement a-t-il pu jouer dans cette passivité ?
Renaud Camus : Le Petit Remplacement a joué bien sûr un rôle de premier plan, puisqu’il est en soi déculturation, décivilisation, autant dire abrutissement, soumission aux industries de l’hébétude. Vos questions se succèdent très harmonieusement car l’antiracisme, par la terreur qu’il exerce, est à la fois le moyen de cet abrutissement et le nom de code de ce processus, qui n’est rien d’autre en fait que le remplacisme à l’œuvre.
Antiracisme est à remplacisme ce que démocratisation est à déculturation : des leurres, des noms flatteurs et impossibles à critiquer, pour des désastres et pour des crimes, qu’il s’agisse du changement de peuple ou de la destruction des systèmes scolaires.
Nina Pravda : La France et l’Allemagne sont-elles encore des États-nations, ou le Grand Remplacement a-t-il institué une Grande Séparation entre les Nations et les États d’Europe ?
Renaud Camus : Il est vrai que “Français”, “Allemand”, ne veulent plus rien dire, non plus que “culture” ou “musique” ; quant à “Suédois”, c’est devenu une plaisanterie un peu fatiguée, une vieille farce. Une ancienne ministre d’origine indienne du gouvernement anglais, et conservatrice, s’il vous plaît, vient de déclarer que naturellement elle ne serait jamais anglaise : dont acte. Le divorce entre États et Nations est donc bien consommé, le trait d’union est rompu.
Mais l’on peut très bien ne pas s’y résigner, et plus l’on prend conscience de la colonisation démographique dont nos pays sont le théâtre et l’objet, plus s’impose la solution évidente, la décolonisation, la libération du territoire, la fin de l’occupation étrangère, le départ des occupants et la mise hors d’état de nuire des occupateurs, la remigration. Et puis une porte de sortie vers le haut est l’Europe, dont le caractère de nation apparaît de plus en plus à mesure que le continent est confronté à plus de forces hostiles et dévastatrices, dont les plus ravageuses sont déjà à l’intérieur de la place, par les soins des gouvernements et de l’Union européenne.
Nina Pravda : Vous attachez beaucoup d’importance au concept d’in-nocence (non-nuisance), antonyme de « nocence ». L’in-nocence est-elle à la base de la civilisation européenne ?
Renaud Camus : Il serait bien beau qu’elle le fût, mais il serait abusif de prétendre qu’elle l’est. La civilisation européenne, comme toutes les civilisations, n’a pu naître et se développer, avec quelle énergie, qu’à l’aide de composantes conceptuelles et mythiques dont certaines étaient bien éloignées de l’in-nocence : tradition héroïque, esprit d’aventure et de conquête, rigueur militaire, conscience ou conviction de sa supériorité. Cependant, le filet ou le fleuve de l’in-nocence a toujours été présent, ne serait-ce que dans une certaine tradition chrétienne (plus que “catholique”), ou bien dans la courtoisie française.
Il ne faut pas oublier que l’in-nocence “comprend” la nocence, qu’elle lui est postérieure et qu’elle la connaît bien, qu’elle l’a même pratiquée et ne se refuse pas absolument à la pratiquer de nouveau si c’est indispensable à plus de tranquillité publique, de civilisation et d’in-nocence (ces deux mots sont à peu près synonymes). La remigration, par exemple, malgré la résolution d’en user avec la plus grande discrimination possible, de préférence avec des moyens non-violents, des incitations plus que des contraintes, et certainement avec plus de douceur et moins de sang que les Algériens en 1962, pourrait bien impliquer un peu de nocence, de dérangement, d’importunité pour certains : le moins possible.
Mais ce peu de nocence est moralement très admissible s’il met fin au formidable déferlement de nocence qu’est la colonisation de l’Europe, ses crimes quotidiens, ses viols, ses déprédations, l’artificialisation qu’elle implique, le chaos qu’elle amène, la destruction des Européens d’Europe et de leur civilisation qu’elle entraîne.
Nina Pravda : Plus de deux millions de Français ont émigré à l’étranger. Leur nombre est en augmentation constante, et l’insécurité comme l’immigration, sont fréquemment citées comme raisons d’expatriation. À la fin de La Destruction des Européens d’Europe, vous imaginez, dans le cas où une remigration n’adviendrait pas, les Européens revenir chez eux dans 2000 ans. Croyez-vous que la civilisation et la culture européenne peuvent survivre à travers ses diasporas ?
Renaud Camus : Je ne souhaite évidemment pas qu’on en vienne à de pareilles extrémités, et les deux mille ans auxquels vous faites allusion étaient évidemment une plaisanterie : « eh bien tant pis, si c’est comme ça nous ferons comme les juifs, nous reviendrons dans deux mille ans ».
C’est une plaisanterie, mais pas entièrement. L’exemple juif est formidablement encourageant. Un peuple a retrouvé sa terre après quinze ou vingt siècles, il a même ressuscité sa langue, qu’on croyait morte. Israël est l’étalon-or de toutes les appartenances. Si Jérusalem n’était pas à Israël et Israël aux juifs, il n’y aurait aucune raison pour que Paris fût à la France et la France aux Français, l’Allemagne aux Allemands, l’Ukraine aux Ukrainiens et l’Europe aux Européens.
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2 commentaires
Merci infiniment pour ce passionnant entretien avec Mr Camus.
Une pensée critique nécessaire pour tenter de comprendre. Un peu de complexité et de discernement pour éclairer notre lanterne