Le jeu électoral iranien selon Khamenei.
Dans un clip viral sur les réseaux sociaux, un journaliste d’un média d’État demande à une femme de 35 à 40 ans faisant ses courses dans un grand magasin ce qui la ferait voter. Elle répond qu’elle ne votera pas, quoi qu’il arrive.
Dans un autre clip, un jeune étudiant répond à Massoud Pezeshkian, candidat concurrentiel, qui tentait de s’adresser aux étudiants, que les jeunes ne voteront pour aucun candidat car ils sont convaincus que rien ne changera. Il semblerait que l’on n’ait plus de nouvelles de ce jeune depuis.
Lors de son dernier discours le mardi 25 juin, Khamenei a déclaré : « J’espère que, si Dieu le veut, les élections rendront la nation iranienne fière. La fierté réside dans deux choses : d’abord, une « participation maximale », et ensuite, « choisir le meilleur candidat » ; les deux sont importants. Nous insistons beaucoup sur une forte participation car l’impact le plus important de cette participation est la fierté de la République islamique. … La République islamique a des ennemis. Un des éléments qui donne l’avantage à la République islamique sur ses ennemis, ce sont les élections. Si une bonne participation est observée lors de ces élections, cela sera source de fierté pour la République islamique. ‘La participation du peuple’ signifie que la République islamique est véritablement une république, cela réduit à néant les arguments des ennemis. Dans toutes les élections où la participation a été faible, les ennemis de la République islamique ont eu beau jeu de critiquer. »
Taux de participation aux élections : les sondages d’instituts liés au régime démentis par les dernières statistiques officielles
Selon des sondages effectués par des instituts liés au gouvernement, le taux de participation est d’environ 50%. Cela signifie que 31 millions de personnes participeront et environ 31 millions ne participeront pas. Dans le meilleur des cas, plus de 54% de la population participera aux élections.
Selon les statistiques fournies par le régime iranien, seulement 7 % des électeurs de la grande Téhéran ont participé au second tour des récentes élections législatives le 10 mai 2024. Ce chiffre est considérablement plus bas dans les petites villes et les villages. Lors du premier tour, les unités de résistance à travers l’Iran ont surveillé avec précision le nombre de participants aux élections et ont déterminé que, en comptant des personnes comme les prisonniers et les militaires qui sont obligés de voter, seulement 8 % ont participé.
Croire que la société iranienne pourrait changer d’avis sur le régime du jour au lendemain et passer de 7 % à 50 % de participation relève purement de l’illusion. Après le soulèvement de 2022 et les tortures très violentes perpétrées par le régime, incluant les meurtres et les tortures de milliers de personnes, il serait naïf, voire stupide, de penser que la société ait pu changer d’avis du jour au lendemain.
En vérité, une participation au-delà de 10% de la population éligible ne semble pas réelle.
En Iran, le président est une figure largement cérémoniale. Le véritable dirigeant du pays est le Guide suprême, qui a le contrôle direct sur les Gardiens de la révolution ainsi que sur une armée de civils en uniforme, diverses organisations de renseignements et paramilitaires, et qui dirige également le projet nucléaire et la politique étrangère… Si un changement de président devait signifier un changement dans la gouvernance du pays, alors le terme de dictature religieuse n’aurait aucun sens.
Pourquoi Khameini a besoin d’un taux de participation élevé
Khameini a grandement besoin d’un taux de participation élevé pour le multiplier dans la « salle de consolidation » pour atteindre 50 % de participation. L’entrée de Pezeshkian, du camp soi-disant réformiste, l’aile qui avait été précédemment écarté par Khamenei au profit d’Ebrahim Raissi, pourrait résoudre cette question pour lui et lui procurer une certaine acceptabilité tant au niveau national qu’international. Au minimum, il pourrait récupérer les votes du camp réformiste, déjà écartés auparavant.
Bien que présenté comme proche du camp dit réformateur, Pezeshkian n’a pas de profil assez élevé pour avoir le moindre mot contre Khamenei. Donc même en guise de réformateur, il ne pose un danger au dictateur.
Le véritable enjeu des élections est la résolution de la question de la succession, et non la présidence elle-même. Khamenei souhaite placer son fils Mojtaba à sa propre succession. Ainsi, Khamenei doit se tourner vers quelqu’un capable de résoudre avec lui cette question de succession. Cette possibilité n’existe que de son vivant. À sa mort, en raison de la guerre des clans qui sacrifient tout pour leurs propres intérêts, cela deviendrait impossible. Le dictateur religieux doit donc sortir des urnes quelqu’un avec qui il peut avancer sur cette question importante. Sans doute, les élections, qu’elles servent à chauffer le marché ou à faire avancer cette hypothèse, seront-elles poussées à un second tour. Au second tour, les candidats conservateurs se désisteront les uns en faveur de l’autre, et à ce moment-là, Khamenei sortira le candidat de son choix.
Est-ce que ce sera Pezeshkian, ou comme on le dit dans les cercles à Téhéran, le candidat que Khamenei qui sortira des urnes sera Mohammad Ghalibaf ou Jalili.