Vous portez la mission « Patrimoine en péril » depuis 2017. Quel constat dressez vous de l’état des trésors architecturaux de notre pays ? Quelle est votre appréciation, sept ans après le début de votre mission, de l’ampleur de la tâche ?
Il y a plusieurs façons de voir les choses. Soit vous vous émerveillez de la richesse de notre patrimoine qui, globalement n’est pas en souffrance, hormis les petites églises de nos villages ruraux ; soit vous mesurez l’état de déréliction du patrimoine avec le chiffre de 6.300 dossiers de demandes d’aides à la Mission Patrimoine que je porte depuis sept ans. Mais je me réjouis qu’avec la Fondation du Patrimoine et le soutien du Ministère, on ait pu déjà apporter une aide substantielle – 280 millions d’euros – à près de 875 sites en péril.
L’Etat fait-il assez pour soutenir notre patrimoine ou peut-il en faire plus ? La participation du public et des entreprises privées à votre mission a-t-elle un réel impact sur le sauvetage de nos monuments historiques ?
On se tourne toujours vers l’État mais il ne peut pas tout, surtout en période de disette budgétaire. Roselyne Bachelot avait obtenu de larges crédits grâce au plan de relance, notamment pour un plan « Cathédrales » et, ensuite, Rima Abdul Malak et Rachida Dati ont poursuivi l’engagement de l’État mais avec les moyens dont dispose le Ministère. Cela ne me choque pas, bien au contraire, que des entreprises privées mécènes bénéficient d’avantages fiscaux en soutenant le patrimoine et je suis heureux que Axa, Total ou d’autres contribuent au succès de la Mission Bern.
Investir dans le patrimoine est-il un bon moyen de relancer durablement l’activité économique dans les villages et les petites villes de France ?
Le patrimoine est la richesse de nos villages ruraux et des petites villes de France. Outre qu’il est vecteur d’identité, d’Histoire, de convivialité et de cohésion sociale – le lieu crée du lien – le patrimoine impacte directement l’économie des territoires car, contrairement aux unités de production, vous ne pouvez pas délocaliser le patrimoine !
Le ministère de la Culture estime qu’il y a entre 80 et 150 vols qui sont commis par an dans les églises, sur l’ensemble du territoire national. Le ministère de l’Intérieur comptabilise quant à lui entre 700 et 900 actes de vandalisme et de profanation par an dans les églises, sur l’ensemble du territoire national. Comment protéger le patrimoine culturel de la Nation des vols et du sabotage ?
Je constate avec tristesse ces chiffres de profanation de nos églises et des vols dont elles sont victimes. La tentation est grande de les fermer. Pourtant, une église fermée au culte et au public se dégrade car nul ne peut constater les outrages du temps. C’est la raison pour laquelle ma Fondation Stéphane Bern pour l’Histoire et le Patrimoine a soutenu financièrement l’an dernier l’association « Eglises ouvertes » qui a débuté son œuvre dans le Nord et la poursuit ailleurs. Vous savez, l’église du village est souvent le premier contact, gratuit et ouvert à tous, à l’art, à la culture, et simplement à la beauté.