Le phénomène est apparu aux yeux du monde le 7 octobre 2023 : les islamistes ont pris des positions anti-israéliennes et on n’en attendait pas moins d’eux puisqu’ils sont antisémites. Mais toute la gauche « Nupes », ou presque, a pris des positions anti-israéliennes aussi. A ma connaissance, seules de rares personnalités de gauche, souvent juives, ont échappé à la contagion (Julien Dray, Jérôme Guedj, Manuel Valls…). Grosso modo, plus on va vers l’extrême-gauche (LFI, NPA), plus les positions deviennent non seulement anti-israéliennes mais aussi antisémites (voir les positions de David Guiraud, Mélenchon…). Ce phénomène s’est produit non seulement en France mais dans tout l’Occident : les étudiants wokes des universités progressistes nord-américaines ont pris des positions pro-palestiniennes allant jusqu’à l’antisémitisme, souvent soutenus par les institutions elles-mêmes, on l’a vu dans le cas d’Harvard, du MIT et de Penn lors d’auditions menées par le Sénat.
Il faudrait certainement mieux définir ce qu’est une position anti-israélienne, une position antisioniste, une position antisémite, d’autant plus que les antisionistes se disent simplement « opposés à la politique coloniale de l’Etat d’Israël », que les antisémites nient évidemment leur antisémitisme avec des trémolos dans la voix et de multiples circonvolutions (ce qui fait que le discours antisémite d’extrême gauche des années 2020 ressemble à s’y méprendre au discours d’extrême droite des années 70). Il faudrait le faire et je le ferai un jour mais tel n’est pas le but de ce petit billet: mon objectif est simplement de mettre à jour le lien profond, jusqu’ici caché, entre islamisme et wokisme, à savoir la haine de l’Occident.
Cette haine est bien connue en ce qui concerne l’Islamisme et elle est en quelque sorte bien compréhensible aussi, compte tenu de l’Histoire. La guerre entre Islam et Occident dure depuis plus de 1000 ans « à l’extérieur » mais l’immigration a, depuis 60 ans, augmenté le nombre de musulmans « à l’intérieur » en France et en Europe. Les frères musulmans n’ont de cesse d’augmenter partout le poids social et le pouvoir politique de l’Islam. La diffusion généralisée de la nourriture hallal, du voile constituent pour eux une grande réussite. Dans leur esprit, ce n’est cependant qu’une étape.
L’Islam politique a lié une alliance d’intérêts avec la gauche. La gauche a ciblé les musulmans depuis 30 ans car, fraichement immigrés, ils constituent à ses yeux un « nouveau prolétariat, la population la plus pauvre sur le territoire français. Sous l’influence des frères, les islamistes ont infiltré les mouvements politiques de gauche et celle-ci est devenue perméable, en dépit de toute sa tradition philosophique qui lui fait apparaître la religion comme une aliénation, à la bigoterie islamique (soutien au port du voile, remise en cause de la laïcité dénoncée comme liberticide…) et à l’antisémitisme (requalifié « antisionisme »). L’acceptation par la gauche de l’idée que toute religion est « l’opium du peuple » sauf l’Islam, c’est ce qu’on appelle classiquement maintenant l’islamo-gauchisme : un agenda clientéliste / politique commun à l’Islam politique et à la gauche.
Qu’est-ce que le wokisme ? Du psychisme transformé en politique.
Le wokisme est une forme de paranoïa envieuse, raciste, consistant à voir partout des micro-agressions (c’est ce qu’on appelle alors être « woke », c’est-à-dire « éveillé, attentif »). Si par exemple, vous traitez un homme noir (petit, gros, laid, trop grand…) avec condescendance ou un sentiment de supériorité, vous commettez une micro-agression dont le woke cherchera à se protéger au sein d’un espace dit « de sûreté ». Le problème est que ces « micro-agressions » font partie de la vie courante, se produisent des milliers de fois par jour, et peuvent être réelles ou fantasmées, puisque nous sommes tous, en partie, des complexés qui nous imaginons que nos fragilités vont être décelées chez les autres. Dans un grand nombre de cas, les micro-agressions dénoncées sont imaginaires et donc le woke a un sérieux problème psychique, problème qui partagé par un grand nombre de ses semblables, devient un problème politique, une névrose obsessionnelle devenue sociale.
Parti des Etats-Unis, le wokisme s’est d’abord développé au sein de la communauté noire qui a subi l’esclavage et qui continue probablement à en vivre le traumatisme, même plusieurs générations après la fin de l’esclavage et alors que le niveau de racisme a diminué, via un mécanisme difficile à prouver scientifiquement mais qu’on peut appeler, avec Simone Weil, la maladie du déracinement. Aujourd’hui, ceux qui sont atteints de cette maladie vont rechercher systématiquement, de façon paranoïaque, les signes d’oppression, aussi légers soient-ils, et s’ils n’existent pas, ils les inventeront.
Ils se vivent victimes et leur discours manifeste est altruiste, puisqu’ils ne cherchent qu’à réparer des torts qui leur sont faits – certains de ses torts, je le rappelle, ont été réels dans le passé, certains sont réels dans le présent mais le plus souvent amplifiés, certains sont imaginaires et entrainent une déformation du vocabulaire et même, via la sociologie, le développement d’un nouveau dictionnaire, destiné à contrer à l’avance toute réfutation possible : ainsi, quand le racisme en tant que tel n’existe plus, on parlera de « racisme systémique » ou « structurel ». On appellera, de façon profondément raciste, « bounty » (blanc à l’intérieur, noir à l’extérieur…) les noirs qui refusent de prendre en compte le point de vue des wokes. Il faudrait un papier complet, peut être un livre pour analyser ce nouveau vocabulaire et ce n’est pas l’objet de mon article. Simplement, si le discours manifeste des wokes est altruiste, et peut parfois rappeler un discours de gauche, issu des lumières, disons celui de Jaurès, la position latente est toujours dans le ressentiment, haineuse et sectaire ; celle de Staline.
Je résume simplement ici le point de vue de Simone Weil :
Qui est déraciné déracine. Qui est enraciné ne déracine pas. Sous le même nom de révolution, et souvent sous des mots d’ordre et des thèmes de propagande identiques, sont dissimulées deux conceptions absolument opposées.
L’une consiste à transformer la société de manière à ce que les opprimés puissent y avoir des racines; l’autre consiste à étendre à toute la société la maladie du déracinement qui a été infligée aux opprimés. Il ne faut pas dire ou penser que la seconde opération puisse jamais être un prélude de la première; cela est faux. Ce sont deux directions opposées qui ne se rejoignent pas.
Simone Weil, l’Enracinement
Le woke, comme l’islamiste, hait donc profondément la société occidentale. Haine héritée du passé le plus souvent, qu’on soit noir ou blanc, selon le principe, dont parle aussi Simone Weil, que les effets corrupteurs de l’injustice sont aussi profonds sur le « dominant » que sur le « dominé ». Les blancs wokes ont aussi un dictionnaire de concepts parfaitement irréfutables au sens de Popper à leur disposition, comme celui de « privilège blanc », l’incapacité supposée du blanc à réaliser la chance qu’il a d’être né dans la position du dominant, qui permet de réfuter toute opinion émise par un blanc sur le wokisme.
D’où vient le rapprochement entre islamisme et wokisme ? L’islamisme est une haine de l’Occident consciente qui vient de l’extérieur, le wokisme une haine, parfois consciente mais le plus souvent inconsciente, qui vient de l’intérieur. C’est l’objet de la haine commune qui crée l’alliance idéologique. Quand on désire la même chose, on rentre en conflit ; quand on hait la même chose, on est en accord. Qui a des ennemis qui se ressemblent s’assemble.