Le Menhir est mort, vive Jean-Marie !
Le dernier punk, qui fut aussi en France le premier prophète, de la fin du siècle dernier, a quitté ce monde, en parvenant – comme une ultime provocation – à parasiter les commémorations officielles en l’honneur du journal satirico-conformiste qui l’avait conchié pendant plus de 25 ans.
Mais quoi ! On sait bien qu’à l’exception du fade Michel Drucker (qui refusa toujours de l’inviter dans ses émissions), tous les hommes ou presque sont mortels. Même lui que j’ai pu voir un jour, à plus de 80 ans, entonner des chansons paillardes à tue-tête pendant une bonne heure à la fin d’un banquet très arrosé.
On pourra discuter sans fin, et pendant longtemps, des mérites et des tares de ce géant archaïque et vichien, à la fois soldat valeureux et cabot voyou de grand style (comme on l’était à la fin du Moyen-Age, à l’époque de Jeanne d’Arc qu’il aimait tant), et disserter éperdument pour savoir s’il aura su, guidé au départ par le sulfureux mais perspicace François Duprat, entrevoir le devenir du continent européen avant tous les autres, ou bien s’il aura à son insu contribué au délitement général de la nation et du régime en servant d’alibi commode ou volontaire à François Mitterrand et Jacques Chirac pour se maintenir le plus longtemps possible au pouvoir, rendant ainsi inévitable l’accélération du cours des catastrophes.
Je crois aujourd’hui que les deux interprétations ont leur part de vérité ; mais au final c’est bien grâce à lui, cet ogre énorme et foutraque issu des combats perdus de l’Algérie française, que les noces du souverainisme et du populisme ont pu se faire, à l’époque où les héritiers indignes du gaullisme et de la Résistance choisissaient d’entrer résolument dans la voie de la Collaboration (en faveur de l’immigration de masse d’abord et de l’intégration européenne ensuite).
Je n’ai en fait voté pour lui qu’une seule fois, et pas par conviction : lors du second tour des élections présidentielles de 2002, à la fois par sens de l’honneur vis-à-vis des meutes de panurges antifascistes qui se répandaient par milliers dans les rues de Paris, et par réaction ulcérée à l’encontre des trahisons de Jacques Chirac dont j’avais été un admirateur dans mes jeunes années.
Aujourd’hui, je regrette ardemment de ne pas l’avoir fait plusieurs fois et plus tôt, mais il est trop tard pour avoir des regrets. Qui d’ailleurs seraient vains : le Diable de la République, à l’heure où Trump triomphe aux Etats-Unis et Orban en Hongrie, est devenu quoi qu’il en ait, et quoi que puissent en dire ses nombreux détracteurs, comme un nouvel allié du Bon Dieu.
Demain ou après-demain, malgré ses saillies scandaleuses (le premier authentique blasphémateur du pays, c’était lui), il sera devenu le Van Gogh de la vie politique française contemporaine, et ses anciens pourfendeurs n’y pourront rigoureusement rien.
Même sa fille rebelle n’hésitera plus à honorer sa mémoire, et j’attends avec impatience la première ville de province, dans le Midi, la Lorraine ou les Flandres, qui donnera son nom à une rue, une place ou une avenue.
Jean-Marie Le Pen, c’est une vie de bagarres et de fureurs qui finit bien. Car le proverbe dit vrai : il suffit d’attendre très longtemps auprès de la rivière pour finir par y voir défiler le corps inerte de ses ennemis.
Que la Terre donc lui soit légère, comme dit la vieille prière catholique qu’il aimait réciter en latin.
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