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Anthropologie criminelle : entretien avec Xavier Raufer

par La Rédaction 25 novembre 2024
par La Rédaction 25 novembre 2024
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Entretien avec Xavier Raufer, criminologue, directeur d’études au pôle Sécurité-Défense du CNAM.

Contrairement à la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne publient des statistiques poli­cières indiquant l’origine (nationale, ethnique) des criminels. Y êtes-vous favorable ? Quels sont leur impact sur l’étude des crimes et délits et sur la production des politiques pu­bliques de sécurité ?

Je suis pour tout ce qui permet de poser un DIAGNOSTIC, tâche cruciale dès que la vie hu­maine est en jeu, médecine ou criminologie. Vite et bien, mais à l’évidence, dans le respect des normes du droit. Comme déjà dit, surtout sur des territoires à la population mélangée, toute manœuvre mala­droite soude une communauté à ses malfaiteurs. La doctrine de Mao sur la guérilla parle ici de « poisson dans l’eau ». Or une population soudée à ses bandits sus­cite des formes cri­minelles quasi-indéracinables, où tout recueil de renseignement relève de l’impossible. Donc : oui bien sûr, user d’outils de renseignement-investigation produisant une connaissance fine des en­tités criminelles ; mais user des résultats de ces re­cherches pour une propagande genre « tous les mêmes », attention : le remède devient pire que le mal.

Ces méthodes d’analyse criminelle, la criminologie sait en user sans révolter quiconque. Ainsi, j’ai naguère publié un « Atlas mondial de l’islam activiste » très détaillé sur le dji­hadisme-terrorisme islamiste, sans que nulle mosquée, association cultuelle, etc., n’ait pro­testé. Peut-être faudrait-il mieux former à ces méthodes les cadres et commissaires de la po­lice ; au lieu d’en faire, comme souvent à présent, des sortes d’assistantes sociales vouées à bichonner diverses minorités libidinales…

 

Redoutez-vous la possibilité d’une guerre civile dans notre pays, sous forme de réédition de la décennie noire qui a ravagé l’Algérie dans les années 1990 à cause de la montée en puis­sance des islamistes ?

Non, à condition que l’appareil régalien national – forces de sécurité intérieure, justice, péni­tentiaire – soit bien dirigé et utilisé à bon escient. Évidemment, si vous mettez aux af­faires des branquignols genre LFI, c’est moins sûr… Quand je dis non, je le prouve par l’ex­traordi­naire coup de collier donné par notre appareil régalien avant, pendant et après les Jeux Olympiques… Sécurité assurée… Corruption minimale… Cas de dopage in­fimes… Bien mieux que tout ce qu’il advint au Japon et au Brésil, lors d’antérieurs Jeux.

Cet appareil régalien peut agir de même, au jour le jour, à condition d’être étoffé et financé convenablement, bien formé et bien commandé. C’est d’ailleurs ce qu’exigent à cor et à cri plus de sept Français sur dix, sondage après sondage. Telle devrait être la feuille de route des dirigeants politiques, présents et à venir. Une voie dans laquelle les criminologues sont bien sûr prêts à aider.

Le ministre de l’Intérieur a alerté sur la possible « mexicanisation du pays ». Cette expression vous semble-t-elle propre à décrire la réalité du trafic de drogue en France ?

C’est exagéré – limite farfelu. Certes, l’exécrable héritage sécuritaire du tandem Darmanin – Dupond-Moretti a provoqué – nous l’avions dix fois annoncé – une vague crimi­nelle post Jeux-Olympiques ; mais il s’agit juste du déplacement dans le temps de l’activité de gangs ayant dû faire profil bas durant la période olympique, et rattrapant depuis le temps perdu. La crimi­no­logie connaît bien cet « Effet de déplacement », lors duquel les malfaiteurs décalent leur ac­ti­vité soit dans l’espace (changement de lieu), soit dans le temps (attendre plus tard).

Devant cette vague criminelle par eux imprévue, les hiérarchies policières fantasment des « mafias » ou des « cartels » ; là où, dans les faits, existent de simples gangs de narcos dont la noci­vité serait aujour­d’hui largement contenue :

– Si M. Darmanin avait fait autre chose que de ra­conter des bobards,

– Et si M. Dupond-Moretti avait enjoint à ses magistrats d’appliquer, sim­plement mais ferme­ment, le Code pénal à ces bandits, au lieu de prôner, en bon « progres­siste », la culture de l’ex­cuse ; ce, surtout envers les mineurs.

 

Taha Oualidat, le Marocain qui a violé et tué Philippine dans le bois de Boulogne à la fin septembre avait déjà été condamné pour viol en France en 2021. Condamné initialement à sept ans de prison, il a été libéré en juin 2024. Visé par une OQTF, il a été placé dans un Centre de Rétention Administrative [CRA] en sortant de prison, puis assigné à résidence avec obligation de pointage dans un hôtel de l’Yonne. C’est là où il aurait dû se trouver lorsqu’il a assassiné Philippine. Avec une autre organisation de la chaîne pénale, la tragédie aurait-elle pu être évitée ?

Songez qu’en Europe, en quotité de procureurs par 100 000 habi­tants, la France est derrière l’Albanie !

Le problème est plus simple, mais plus grave, qu’une simple affaire de structures ; la justice française est en effet tragiquement étriquée et paupérisée. Songez qu’en Europe, en quotité de procureurs (juges enclenchant les poursuites, donc le procès pénal) par 100 000 habi­tants, la France est derrière l’Albanie ! Cas concret : à présent, dans une métropole provin­ciale frontalière, le parquet devrait compter 13 procureurs minimum – et n’en a que 9. Par­tout dans le pays, pareil à peu près. Locaux, logiciels appropriés, informatique de qualité, personnel qualifié, formations performantes… Les ma­gistrats français manquent de tout.

Plus des masses de lois nouvelles, lancées lors de pa­niques terroristes ou criminelles… Plus, ce que l’Europe nous fait intégrer à nos codes : tsu­nami d’un côté – pénurie de l’autre. Que trois magistrats sur 10 environ soient « progressistes », je veux bien ; mais 7 sur 10 sont dé­bor­dés ; d’où, des délais de jugement sans cesse rallongés – trois ans à Marseille, avec 200 mis en exa­men pour règlements de comptes et/ou homicides… Récemment, un magistrat me disait que pour travailler sérieusement, il devrait suivre 30 dossiers… Il en a 300 sur son bureau ! D’où, des cascades de vices de procédure, d’oublis et délais dépassés. Dernièrement, un caïd de Mar­seille devait être libéré : en cinq ans et demi, son instruction n’a pas avancé d’un iota. La justice française est hélas un tuyau qui fuit par tous les bouts. Résultat : des drames à la clé, comme dans l’af­faire de Philippine, et tant d’autres.

 

Le taux de récidivistes a été multiplié par 9 en 30 ans (passant de 2 % en 1990 à 18 % en 2022, selon les statistiques 2023 du ministère de la Justice). Quels sont les principaux fac­teurs ayant rendu possible cette fulgurante augmentation ? Comment inverser la ten­dance ?

La justice française est figée sur un concept antédiluvien (décennie 1980), l’obligatoire et bé­néfique réinsertion des malfaiteurs. En théorie, si ça marche, le taux de récidive s’écroule bel et bien. Mais avec des personnels submergés, incapables d’évaluer sérieusement leurs déte­nus et un système de probation en faillite, c’est l’échec assuré. En outre, un vice du système charge ceux-là même qui réinsèrent les détenus, d’évaluer leur propre travail. Bien sûr, ils trouvent ça par­fait… Résultat : le lascar « réinséré » retrouve son biotope naturel ; en métro­pole, un des quelques 1 400 quartiers de la « Politique de la ville » – et reprend illico du service dans son gang… Que sait-il faire d’autre ? A-t-il vraiment le choix ?

Ainsi, une formation renouvelée des magistrats devrait-elle s’inspirer des acquis de la crimi­nologie expérimentale moderne, au lieu qu’on radote sans fin sur des poncifs soixante-hui­tards, délaissés dans les autres États de droit. Nulle hostilité de principe envers l’idée de réin­sertion, mais des inspecteurs un peu sévères et réalistes devraient y évaluer ce qui fonc­tionne ou pas ; et pousser à l’abandon de lubies bienséantes dépassées, encore trop souvent véhiculées par les services d’insertion et de probation.

 

Que pensez-vous de l’idée, émise récemment par le député macroniste Karl Olive, d’en­voyer l’armée dans certains quartiers en proie au narcotrafic ? Est-il préférable, comme le propose le locataire de l’hôtel de Beauvau « d’envoyer la CRS [police nationale, ndlr] dans les quartiers dès que c’est nécessaire » ?

Chaque fois qu’on tend un micro à un démagogue sans idées, ressort l’ab­surde bobard de l’armée-dans-les-cités-chaudes. Or l’armée sait appliquer une force mortelle sur des champs de bataille, pas rétablir l’ordre. Et ceux qui, même à droite hélas, rêvent d’une nouvelle ba­taille d’Alger, provoqueraient un désastre s’ils faisaient plus que délirer tout haut. Agir à force sur un tissu urbain vivant, dans des aires peuplées à 90% d’innocents voulant juste vivre tranquilles, est un art délicat, microchirurgical. Ici, toute démagogie activiste n’a qu’un effet : souder la po­pulation locale aux bandits, avec un immédiat effet d’omerta.

Il existe en France une séculaire force militaire, exprès créée pour maintenir-rétablir l’ordre : la Gendarmerie nationale

De Palerme aux favelas de Rio, dans dix sortes de territoires occupés du monde, on a vu cent fois, en un siècle, les effets désastreux de ces fanfaronnades guerrières : pas besoin d’insister. Il existe en France une séculaire force militaire, exprès créée pour maintenir-rétablir l’ordre : la Gendarmerie nationale. Si elle en reçoit l’ordre, elle saura, en quelques mois, récupérer l’essentiel des « Quartiers perdus de la République ».

 

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